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terça-feira, outubro 29, 2024

‘‘Nous sommes appelés à être connectés à nos origines’’, dit manifestant chilien en France

Joaquim Carrasco, 28 ans, habite désormais à Strasbourg, en France, ville où il organise plusieurs manifestations pour l’avenir de son pays, le Chili. Invité par MigraMundo, Joaquin raconte son expérience comme migrant militant à milliers de kilomètres de son pays et parle d’une solidarité entre chiliens, latino-américains et européens crée lors des manifestations.

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Pour Joaquin Carrasco,
de Strasbourg (France)

On m’a donné la possibilité de raconter mon expérience de migrant militant.

D’abord expliquer comment est ce que j’ai choisi la vie de migrant. Je suis arrivé à Strasbourg pour continuer mes études. Au Chili j’avais fait une formation en psychologie et je travaillait pendant 3 ans comme psychologue. Pendant mes études et au travail j’étais motivé pour continuer ma formation dans le monde sociale, focalisé sur le sujet de la migration.

J’ai choisi Strasbourg principalement pour l’opportunité de faire une formation spécialisé dans ce sujet. Aussi c’était une possibilité de quitter mon pays et apprendre une nouvelle langue, un intérêt personnelle. Depuis mon adolescente j’étais toujours attiré pour avoir l’expérience de vivre ailleurs. Bon et un facteur vraiment importante c’était la qualité de vie dans mon pays.

Même étant psychologue aura été difficile de faire une formation en master dans une université publique au Chili, étant donné que les frais d’inscription sont beaucoup plus cher qu’en France. L’éducation chilienne est une éducation privatisée.

C’est une position que j’ai toujours eu, que ce soit dans mon pays ou actuellement en France. Les problèmes sociaux m’ont toujours mobilisé, notamment la défense des droits des migrants. J’ai démarré ce rôle de militant au cours de mes premières années universitaires au Chili dans la ville de Coquimbo, en participant à des mouvements locaux concernant des exigences en matière d’éducation au niveau local et national. Ce qui aide à comprendre le rôle de militant que je construis depuis longtemps.

Joaquim habite désormais à Strasbourg, en France, ville où il organise plusieurs manifestations. (Crédit: Archive personnel)

Depuis que je suis en France j’essaie de rester concerné et de participer aux mouvements sociaux centrés sur les droits des migrants et les conflits des pays autres que le mien, mais je n’avais jamais pensé que je finirais par manifester pour le peuple chilien ici, à plus de 13 000 km du pays.

Les manifestations au Chili

Ce mouvement social au Chili a démarré début octobre 2019, lorsque l’entreprise de métro du Santiago du Chili a annoncé une hausse de 30 pesos (0,03 €) du ticket de métro, le portant à 830 pesos (environ 1,1 €).

Un taux élevé pour un aller simple dans un pays où le salaire minimum est de 270 000 pesos (près de 350€) et où le coût de la vie est proche de celui de pays européens tels que la France. Il faut aussi ajouter à ce coût de vie élevé la privatisation de l’ensemble du système social chilien.

Les manifestations ont commencé par les lycéens de Santiago qui ont mené une campagne de fraude massive dans le métro. La première semaine de manifestation s’est concentrée sur la montée du billet et uniquement dans la capitale.

A ce moment-là, j’étais seulement attentif aux infos sur cette manifestation. Cela ressemblait à un simple mouvement au Chili, c’était presque attendu en raison de la culture des manifestations au Chili.

Mais pour moi, il y a quelque chose qui a marqué un avant et un après dans ce mouvement. Un événement qui m’a frappé et m’a poussé à la mobilisation. C’était samedi 19 octobre, lorsqu’une image montrait les militaires et les tanks de l’armée sur la place Baquedano à Santiago, lieu principal des manifestations dans la capitale.

 Une image que je n’avais vu que dans des documentaires sur l’époque de la dictature au Chili, une époque lointaine que je n’ai jamais vécu, ayant grandi dans la démocratie. Cette image m’a donné de la colère, de la tristesse, de la douleur et surtout de la frustration.

J’avais également un sentiment d’impuissance devant l’impossibilité d’accompagner mes amis et ma famille, à un moment qui semblait très difficile, proche d’une tragédie à venir. Je sentais que l’histoire sanglante de la dictature pouvait être répétée, quelque chose que je ne lisais que dans des livres et que je voyais que dans des documentaires.

La mobilisation à Strasbourg

Joaquim (à gauche) en face de la Cathédrale principale de la Ville, monument historique et culturel de Strasbourg. (Crédit: archive personnel)

À ce moment-là, communiquant avec mon meilleur ami, il m’indiqua que malgré la peur qui régnait, la rage était bien plus grande et qu’elle a poussé les gens à venir manifester, pas seulement dans la capitale mais dans tout le Chili.

 Il ne s’agit plus seulement de la hausse des transports, mais d’une série de revendications sociales demandées depuis le retour à la démocratie il y a presque 30 ans. Ces revendications sont principalement axées sur l’éducation, la santé et la retraite ainsi que sur le changement de la constitution, l’actuelle ayant été créée sous la dictature sans subir de modifications majeures. Car, oui, malgré le retour de la démocratie au Chili, nous continuons de vivre avec la constitution établie pendant la dictature.

Ce mouvement a pris beaucoup de force. L’explication de cette prise d’ampleur peut-être expliquée par un sentiment de rejet général du système néoliberal chilien qui se présente comme prospère alors que la majorité des habitants vivent dans des conditions de pauvreté ou d’endettement.

De plus, la forte répression exercée par le gouvernement ne calme rien. Il y a déjà des morts. Des histoires et des vidéos de tortures. Plus de 200 personnes avec blessures oculaires à causes des armes de la police. Des témoignages de femmes victimes de violences sexuelles commises par des agents de l’État.

Plusieurs causes sociales à l’étranger ont attiré mon attention et m’ont mobilisé, mais c’est la première qu’une cause me donne autant de ressenti. La plus grande frustration est de ne pas pouvoir être avec mes amis qui marchent dans la rue, sans pouvoir les accompagner. Je sais qu’ils subissent une répression directe de la part de la police.

”La plus grande frustration est de ne pas pouvoir être avec mes amis qui marchent dans la rue, sans pouvoir les accompagner”, dit le chilien. (Crédit: Archive Personnel)

 Les images excessives de la force utilisée par la police (coups de feu contre la population civile ou encore des militaires tuant des personnes dans ma ville natale) ainsi que les témoignages de mes amis sur ce qu’ils vivent me donnent un sentiment de douleur, de tristesse et beaucoup de colère. Cette douleur me mobilise, me pousse à vouloir faire quelque chose.

La solidarité entre les personnes

J’ai rapidement découvert que ce sentiment de frustration et le désir de faire quelque chose étaient partagés avec un petit groupe de chiliens ici, à Strasbourg. Avec mon frère, nous avons commencé à évoquer le fait que nous devrions faire quelque chose en tant que chiliens à l’étranger.

Nous avons organisé une première manifestation au cours de laquelle nous n’avions que 10 personnes. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés là, nous avons continué à appeler à des manifestations. Ces appels ont généré non seulement l’adhésion de plusieurs générations de Chiliens vivant ici mais également des Français, des Latino-Américains et des populations des autres pays se sentant touchés par la situation au Chili.

Joaquim (en haut) lors d’une manifestation à la place Kléber, au centre-ville.

Après trois ans, c’est la première fois que je me sens au Chili et non en France. Une position bizarre que je ne nierai pas et qui m’a causé de gros problèmes sur le plan personnel avec des personnes proches d’ici.

Mais j’estime que cela peut être un prix à payer alors que, dans cette position de migrant, où, à certains moments, notamment dans des moments historiques, nous sommes appelés à être connectés à nos origines. Une position qui, à l’étranger, peut être très solitaire, sauf dans des moments de connexion avec d’autres migrants.

 Ce mouvement par exemple m’a donné la possibilité de prendre contact avec la communauté historique des Chiliens de Strasbourg, des familles de Chiliens exilés pendant la dictature, qui ont beaucoup soutenu ces manifestations et qui ont raconté leurs expériences. Ils ont également raconter leur peur de revivre un événement traumatisant, qui génère un sentiment impossible à expliquer, une sensation corporelle, “une douleur à l’estomac” sur laquelle il est difficile pour moi de rester indifférent.

Les échanges avec cette population m’a donné encore plus de motivations car je ressens vraiment le besoin de faire quelque chose pour le Chili, de susciter l’intérêt des gens sur ce que l’on vit au Chili. C’est vraiment pénible de voir comment l’endroit où l’on a grandi est transformé en un espace de violence et de répression. Il est difficile de voir comment des personnes que vous connaissez peuvent être mises dans une situation dangereuse.

Le Chili vu de loin

Messages en soutien au peuple chilien sont mis au centre-ville de Strasbourg lors d’une manifestations. (Crédit: Archive Personnel)

C’est vraiment pénible de le voir de si loin, sans pouvoir au moins accompagner les personnes que vous voulez à un moment qui semble très difficile. Heureusement cette mobilisation crée aussi des moments d’unité entre les personnes autour de la façon dont elles ont été affectées, qu’elles soient chiliennes, latino-américaines ou bien d’autres pays.

Mon expérience avec les non-Chiliens a été particulièrement liée à l’intérêt et à la solidarité. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui, ignorant la réalité du Chili, avaient l’image d’un pays de réussite économique et d’un pays stable en Amérique latine. Elles étaient surprises de voir apparaître d’un coup un mouvement social aussi puissant.

 Beaucoup de français ont été choqué de voir l’armée dans les manifestations. Ils m’ont dit qu’il s’agissait des mêmes images que lorsque le Chili vivait sous la dictature. Cela m’a indiqué leur préoccupation et leur solidarité envers le peuple chilien.

Beaucoup m’ont montré qu’ils souhaitaient en savoir plus sur le système chilien et trouvent choquante la réalité du système néolibéral chilien, à savoir la privatisation de toutes les ressources naturelles, l’éducation, la santé et les retraites.

Il est choquant de savoir que le Chili a le même coût de la vie qu’ici en France mais que les salaires ne correspondent pas à cette réalité. Quand je leur raconte cette situation, leur réaction est de dire “bon, alors il est normal que les gens aillent  manifester !”.

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